Peut-on perdre nos glaciers alpins ?

26 Juil 2022

La réponse est oui , on va probablement en perdre l’essentiel avant la fin du siècle avec une hausse des températures de 2,7° et on les perdra assurément avec une hausse de 4°, ce qui nous menace clairement. Nous savons que nous n’éviterons pas une hausse d’au moins 2 ° sur la planète quels que soient nos efforts, beaucoup trop faibles et entrepris beaucoup trop tard. Or, 2° à l’échelle de la planète, ce sont plus de 3° dans les Alpes – et plus de 4 sur le bassin méditerranéen. Tous les glaciers situés à moins de 3000 mètres d’altitude sont déjà en train de fondre maintenant et ce sera le cas de ceux situés à moins de 3500 mètres, soit 85% des glaciers alpins.

La mer de glaces a perdu 850 mètres sur ses 12 kms, les Bossons en ont perdu 1100 et tous perdent plus d’un mètre d’épaisseur par an. Il y a bien plus de fonte de glace en aval que que de neige en amont. L’effondrement d’une partie du glacier de la Marmolada en Italie – entraînant la mort de 7 personnes ce 4 Juillet fait suite à de nombreux effondrements comme celui du glacier de Tête Rousse en 1892 – 175 morts – dû à la pression exercée par une poche d’eau de 100 000 M3.

Cette question de la création de poches d’eau est particulièrement importante : Christian Vincent avertit «  si la base (du glacier) passait de froide à tempérée elle laisserait circuler l’eau, de sorte que le glacier situé sur des pentes raides glisserait sur son socle rocheux »

Ce sont des millions de mètres cubes de glace et de roches qui menacent de s’écrouler dans les années à venir.

Autre conséquence: la formation de lacs pro glaciares retenus par des moraines instables, sous les glaciers , qui menacent les vallées en aval.

Nous sommes sensibles aux phénomènes majeurs et, donc, médiatisés, comme l’avalanche de 3,1 millions de mètres cubes de roches du Piz Cengalo en Suisse en 2017 mais nous devrions nous inquiéter au moins autant des 1400 écroulements rocheux depuis 2007 dans le seul massif du Mont Blanc, soit plus d’ 1 tous les 4 jours, libérant chacun un volume de plus de 100 mètre cubes

Pourquoi ? Évidemment à cause du réchauffement climatique à l’œuvre depuis 1960 et très fortement accéléré depuis 2000. Martin Géménoz, climatologue CNRS et chercheur à l’institut des géosciences de l’environnement ( IGE de Grenoble) estime le réchauffement dans les Alpes à 0,5° par décennie en été depuis 1959, donc, plus de 3,5° à ce jour – ce qui est considérable

Par ailleurs, Christian Vincent, CNRS et IGE, a établi que le changement de l’albédo aggrave nettement la situation  « le manteau neigeux fond plus rapidement durant le printemps et l’été et laisse apparaître la glace dessous, qui absorbe d’avantage les rayons du soleil, ce qui réchauffe les sols et amplifie la fonte »

Le permafrost ( (sols, moraines, parois toujours en températures négatives) se réchauffe très vite – or la glace du permafrost est le ciment de la montagne. En fondant, elle libère des rochers et peut entraîner de gigantesques écroulement impossible à contrôler, voire à anticiper.

Certes , la montagne ne va pas s’écrouler mais la disparition de nos glaciers entraînerait d »énormes changements aux niveaux de l’habitat,de l’économie de montagne, de l’ensemble de la nature et de la végétation, du paysage, des loisirs, de la vie animale et signifierait malheureusement nombre de drames humains.

Attention aux termes utilisés pour parler de cette canicule – au niveau du gouvernement , des médias et entre nous : à la considérer comme « un épisode », un « accident climatique » qui « nous tombe dessus » nous évitons de voir qu’il s’agit bel et bien d’un changement climatique, d’entrer dans une nouvelle ère de fortes chaleurs chroniques qui exigent des mesures de fond, pérennes , structurantes et non de simples adaptations à un phénomène provisoire.

l’argument des climatosceptiques selon lequel la planète a toujours vécu des cycles de glaciation et de réchauffement est juste . Mais ils se trompent et freinent dangereusement les prises de décision urgentes, quand ils refusent obstinément de reconnaître que l’activité humaine accélère le phénomène à un tel niveau qu’il est en train de devenir hors de contrôle – c’est à dire de possibilité d’adaptation et potentiellement irréversible.

GS . 25/07/2022